En France comme en Belgique, un des sujets 'à la mode' de ces derniers mois, c'est le 'Revenu Universel de Base' (ou encore 'allocation universelle').. Il s'agit de discuter de l'octroi inconditionnel d'un certain montant mensuel à chaque citoyen.
Selon la manière de voir ce revenu inconditionnel, d'aucuns le présentent comme 'communiste' parce que chacun recevrait la même chose, indépendamment de sa situation personnelle ; d'autres, au contraire, présentent cela comme LA solution libérale car ce revenu de base permettrait à chacun d'être plus libre, libre de travailler ou non, de choisir son travail … On peut dire que les deux camps ont raison … Mais ce n'est pas l'objet (intéressant) de cette réflexion.
Mais, où cela devient compliqué c'est quand on demande à un promoteur de ce RUB quel montant il prévoit, si ce montant sera constant du berceau au tombeau, combien cela coûtera au budget public et comment le financer … A ce jour, personne n'a (à ma connaissance) répondu clairement à ces questions de base qui ne sont d'ailleurs pas – loin s'en faut – les seules que l'on doit se poser avant de se lancer dans une telle aventure ! (pour la simplicité, cette réflexion se concentrera sur la situation belge mais pourra être assez facilement transposée à d'autres pays)
– Toute première question fondamentale : à qui s'adresse ce RUB ? Aux seuls citoyens belges ? Résidant en Belgique uniquement ou aussi ceux qui résident à l'étranger ? A l'ensemble des personnes domiciliées en Belgique ? Aux seuls ressortissants de l'UE domiciliés en Belgique ? … et autres combinaisons possibles.
– Un autre élément qui déterminera beaucoup de choses plus loin : quel est le but de ce RUB ? Assurer un 'filet de sécurité' pour éviter que, dans certaines circonstances de la vie, on se retrouve sans ressources ? Permettre à ceux qui le souhaitent de ne pas travailler tout en ayant un revenu leur permettant de vivre à peu près correctement ? … ?
– Quel serait le montant octroyé inconditionnellement (une fois fait le choix évoqué par la première question et défini le but évoqué dans la deuxième question) ? A qui (tranches d'âge) ?
– Quel serait le coût de ce RUB sur base des hypothèses précédentes ? Prenons comme hypothèse de travail les conditions suivants : RUB à toutes les personnes domiciliées en Belgique, montant de 250 € jusque 18 ans (environ le montant envisagé pour les nouvelles allocations familiales régionalisées), 800€ de 18 à 65/67 ans (montant moyen de nombreuses propositions qui varient de 500 à 1.000€ voire un peu plus) et 1.200€ de retraite pour les plus de 65/67 ans. Si on simplifie un peu et qu'on considère que les 11 millions d'habitants se répartissent en 2 millions de moins de 18 ans, 7 millions de 18-65 ans et 2 millions de plus de 65 ans, le coût annuel (ordre de grandeur) total serait de 6 + 68 +29 = 103 milliards. Soit environ 25% du PIB et pas très loin de la moitié des budgets fédéral et des entités fédérées …
– D'aucuns diront, et ils auront raison, qu'un isolé peut difficilement (voire pas du tout) vivre avec 800 € par mois. Il faudra donc que nos concitoyens continuent à travailler pour pouvoir vivre décemment. Mais se pose alors la question de ceux qui ne pourront pas travailler : les malades de longue durée, les handicapés lourds et … ceux qui ne trouveront pas d'emploi (certains préconisent le RUB pour faire face à la disparition des emplois suite à l'automatisation et le robotisation de nos entreprises) : les 'abandonnera-t-on à leur sort' ou les aidera-t-on ? Si on les aide (logiquement), cela aura également un coût à ajouter au coût calculé ci-avant.
– Après avoir estimé le coût de ce 'revenu universel de base', voyons comment le financer et, surtout, voyons si il est possible de le financer. Quelles interventions publiques et autres allocations (familiales,chômage, …) ce RUB remplacera-t-il et quels sont les montants concernés, sont-ils suffisants ? Si on prend les allocations familiales et de chômage et qu'on les additionne aux pensions de retraite, on arrive à 55-60 milliards soit encore loin du coût de ce RUB … quelles autres économies seront-elles possibles ?
– Quelle serait l'influence sur le marché du travail ? Les travaux lourds et pénibles trouveront-ils encore des candidats ? Comment seront formés les salaires : inchangés par rapport à la situation actuelle, réduits, … ? Quid des cotisations sociales : maintenues au même niveau pour financer le RUB, ou réduites ?
– Au niveau de la fiscalité, il faudrait que la quotité exemptée soit alignée sur le RUB, sinon, cela n'aurait aucun sens de donner ce montant 'universel' et d'en reprendre une partie par la suite, avec des frais administratifs … Cela revient à dire que seuls les revenus 'complémentaires', quel que soit leur montant seront soumis à l'impôt sur le revenu; Autre solution ?
– Et, last but not least : comment assurer la transition entre le système actuel et le système RUB ? En effet, entre autres pour les retraites, comment ne pas pénaliser ceux qui ont cotisé, qui ont investi sur base d'un niveau de pension qu'ils pouvaient (et peuvent) anticiper ? Comment ne pas créer d'injustice, de situations pénibles en changeant les règles en cours de partie ? Il faudrait maintenir le système actuel, les montants actuels (pour autant qu'ils soient supérieurs aux 1.200 € prévus) et il faudrait que cela s'applique également ceux qui sont déjà bien engagés dans leur carrière professionnelle (où placer le curseur ? 10-15 -20 ans ?)
Ces quelques questions et réflexions montrent que l'introduction éventuelle d'un RUB ne se ferait pas d'un claquement de doigt, qu'il n'est pa évident que cela soit finançable ; il semble donc que ce ne soit pas LA solution promise par nombre de partisans du RUB (qui n'ont, apparemment, jamais poussé la réflexion aussi loin …).
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